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Épisode 3 : Décentraliser l’industrie – La clé du succès

Redonner du pouvoir aux territoires est une clé pour relancer l’industrie. Certaines régions ont déjà prouvé qu’une approche locale, plus souple et adaptée, fonctionne mieux que la centralisation parisienne. Comment s’inspirer de ces réussites ?

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L’initiative locale, plus agile et efficace

Pour redresser l'industrie, une approche locale et territoriale s’avère souvent bien plus efficace que la gestion centralisée. Sur le terrain, les élus, chefs d’entreprise et acteurs locaux connaissent intimement les besoins et atouts de leur région. Ils sont les mieux placés pour identifier quelles filières développer, quels terrains mobiliser pour une nouvelle usine, quelles formations proposer aux habitants afin de pourvoir les emplois industriels. Une commune ou une agglomération qui veut attirer une usine peut réagir beaucoup plus vite qu’une administration centrale engoncée dans ses procédures. Elle peut par exemple mettre à disposition un terrain viabilisé en quelques semaines, mobiliser le tissu local (banques régionales, centres de formation, sous-traitants) et adapter les projets aux spécificités du cru. Cette réactivité locale est un atout majeur : au lieu d’un modèle uniforme imposé d’en haut, chaque territoire peut inventer sa propre recette de réindustrialisation en s’appuyant sur ses forces (main-d’œuvre qualifiée, tradition industrielle, emplacement stratégique, etc.). En outre, l’adhésion de la population est plus facile à obtenir quand le projet est porté localement : les riverains voient concrètement les bénéfices pour leur région et se sentent partie prenante, ce qui limite les oppositions systématiques. En somme, décentraliser l’industrie, c’est libérer les énergies locales et gagner en souplesse.

Des territoires qui relancent leur industrie

Plusieurs territoires en France ont déjà démontré qu’une approche décentralisée pouvait porter ses fruits en matière de renaissance industrielle. Le cas de la région Hauts-de-France est souvent cité : durement frappée par la fin des mines et le déclin de la métallurgie, elle connaît aujourd’hui un renouveau grâce à la mobilisation conjointe des acteurs locaux et nationaux. Ces dernières années, les Hauts-de-France ont réussi à attirer des investissements industriels d’avenir, notamment dans la fabrication de batteries pour véhicules électriques et dans le ferroviaire. Sur d’anciennes friches près de Douai ou de Dunkerque, de vastes usines nouvelles sortent de terre avec l’appui actif de la région, de la communauté d’agglomération et des élus de terrain, fiers de redonner vie à leur bassin d’emploi. Autre exemple, à une échelle plus locale : la vallée de l’Arve en Haute-Savoie, un territoire historiquement tourné vers l’usinage de précision (décolletage). Face à la concurrence et au vieillissement de son modèle, la vallée a su se réinventer : les entreprises locales, en partenariat avec les collectivités et des centres techniques, ont investi dans la modernisation des ateliers et la diversification vers de nouveaux secteurs (médical, aéronautique). Résultat : cette région alpine maintient des centaines de PME industrielles dynamiques, exportatrices, en faisant évoluer localement les compétences et les technologies.

Ces succès ne sont pas le fruit du hasard : ils montrent que quand un territoire s’empare de son destin industriel, avec l’appui mais pas la tutelle de l’État, il peut inverser la tendance et créer de l’activité.

Le modèle allemand : fédéralisme et tissu industriel local

La France gagnerait à s’inspirer de certains de ses voisins, en particulier de l’exemple allemand, pour comprendre les vertus de la décentralisation industrielle. L’Allemagne, pays fédéral, confère à ses Länder (régions) un rôle central dans le développement économique. Chaque Land dispose de leviers importants pour soutenir son industrie : politiques de formation en alternance ajustées aux besoins locaux, soutien financier aux PME via des banques régionales, réseaux d’instituts techniques (tels que les instituts Fraunhofer) travaillant main dans la main avec le tissu industriel local. Cette organisation plus souple et ancrée dans les territoires a largement contribué à la robustesse de l’industrie allemande. Des régions comme la Bavière ou le Bade-Wurtemberg pilotent activement leur stratégie industrielle (automobile, machines-outils, chimie…) en impliquant étroitement les entreprises du cru et les centres de recherche locaux. Le résultat ? Une multitude d’entreprises de taille intermédiaire prospères, ce fameux Mittelstand qui forme l’épine dorsale de l’économie germanique. L’Allemagne compte ainsi près de dix fois plus d’entreprises industrielles de taille intermédiaire que la France, et sa part de l’industrie dans le PIB avoisine 25% (contre environ 11% pour la France). Bien sûr, le contexte diffère et tout n’est pas transposable tel quel. Mais cette comparaison illustre un point crucial : rapprocher la décision du terrain donne de bien meilleurs résultats pour faire vivre l’industrie. En redonnant de l’autonomie et des moyens aux échelons locaux, la France pourrait recréer un environnement où les usines se développent partout sur le territoire, et pas seulement selon une vision décidée depuis la capitale.



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Publié le 7 avr.