DÉCRYPTAGE D'ÉTÉ

Europe, réveille ton génie

Le rapport Draghi met en lumière un paradoxe européen devenu insoutenable : malgré un foisonnement scientifique reconnu à l’échelle mondiale, l’Union peine à transformer ses découvertes en innovations industrielles compétitives. Ce déficit de valorisation freine la capacité du continent à faire émerger des technologies souveraines, à ancrer des chaînes de valeur stratégiques sur son territoire et à s’imposer dans la nouvelle économie technologique mondiale. Cette inertie limite la transformation effective des usines, freine l’adoption de solutions technologiques de pointe sur les lignes de production, et compromet l’émergence d’une industrie européenne réellement innovante.

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Le diagnostic est sans appel : fragmentation des marchés, complexité réglementaire, financement de croissance insuffisant, culture du risque sous-développée. Les industriels qui veulent innover se heurtent trop souvent à un environnement qui bride leur capacité d’industrialisation rapide. Or, dans un monde où la maîtrise des technologies devient une composante essentielle de la puissance économique, cette inertie structurelle expose l’Europe à un déclassement silencieux.

Le rapport propose d’opérer une bascule stratégique. Il ne s’agit plus d’optimiser les dispositifs existants, mais de construire un nouvel écosystème d’innovation industriellement orienté. Cela implique de décloisonner radicalement les mondes académique, entrepreneurial et productif, de renforcer la mise à l’échelle des technologies de rupture, et de soutenir activement l’industrialisation des solutions issues de la recherche européenne. Pour les industriels, cela signifie disposer d’un environnement plus réactif, d’un accès facilité aux plateformes technologiques, et d’un accompagnement opérationnel dès les premières étapes de développement technologique.

Cette dynamique repose aussi sur un capital humain qualifié. Aujourd’hui, moins de 60 % des adultes disposent de compétences numériques de base, alors que la demande industrielle requiert des profils hybrides, capables de piloter des systèmes complexes mêlant automatisation, IA, data et ingénierie. La formation – initiale comme continue – doit devenir un pilier de la compétitivité, pensé en lien étroit avec les filières industrielles de demain. L’enjeu est de pouvoir recruter, dans les ateliers comme dans les bureaux d’études, les profils capables d’opérer, maintenir et faire évoluer une industrie numérisée, connectée et décarbonée.

Enfin, certaines initiatives territoriales, souvent méconnues à l’échelle européenne, montrent qu’il est possible d’articuler recherche, innovation, formation et industrie dans des environnements mutualisés. Ces démonstrateurs locaux d’une innovation industrialisable – incubateurs de startups industrielles, accélérateurs technologiques, centres d’essai partagés – mériteraient d’être consolidés, interconnectés et soutenus pour devenir les nœuds d’un nouvel espace industriel européen. Leur capacité à faire dialoguer ingénieurs, opérateurs, chercheurs et décideurs en fait des laboratoires d’agilité stratégique à l’échelle réelle. Ne serait-ce pas l’ADN de KMØ qu’évoque ici Mario Draghi ? Nous sommes fiers, à notre échelle, d’apporter notre modeste contribution à cette ambition européenne.

L’innovation n’est pas un supplément d’âme. Elle est désormais une condition de souveraineté. Et si l’Europe veut redevenir une puissance industrielle, elle doit redonner aux industriels, chercheurs et entrepreneurs les moyens d’agir ensemble. KMØ est déjà à l’œuvre : ici, nous en avons fait le socle de nos valeurs.

Publié le 11 août