Souveraineté industrielle : l’Europe face à ses vulnérabilités

Aujourd’hui, l’Europe importe plus de 90 % de certaines terres rares et métaux stratégiques indispensables à la transition énergétique et numérique (ibid., chap. 6.1). Elle demeure également vulnérable à la concentration géographique de la production de semi-conducteurs en Asie de l’Est, et à la domination extra-européenne dans le cloud, les logiciels et l’intelligence artificielle.
La réponse, souligne Draghi, ne passe pas par un repli protectionniste, mais par une redéfinition lucide des capacités critiques à sécuriser et à maîtriser. Il appelle à une politique économique extérieure coordonnée, appuyée sur des instruments d’investissement, de commerce et de réglementation adaptés aux enjeux systémiques (ibid., chap. 6.2). Concrètement : gérer activement les dépendances, nouer des partenariats de codéveloppement, constituer des stocks stratégiques, intégrer la résilience dans les politiques industrielles et commerciales.
Développer nos propres capacités – dans le traitement des matériaux critiques, la production de composants sensibles ou la fabrication avancée – devient un impératif de sécurité économique. Dans la défense, par exemple, la fragmentation du tissu industriel empêche les économies d’échelle et affaiblit l’autonomie stratégique. Draghi plaide pour une consolidation ciblée, associée à une montée en puissance des achats conjoints et à la mutualisation des efforts de R&D.
Mais la reconquête ne se limite pas à remplacer les importations. Elle exige une cartographie dynamique des vulnérabilités et une gouvernance intégrée des priorités industrielles. Le rapport propose la création d’un mécanisme européen d’alerte et d’évaluation stratégique, capable d’identifier en temps réel les points de rupture potentiels dans les chaînes de valeur critiques.
Renforcer la souveraineté suppose aussi de créer les conditions d’émergence d’acteurs européens dans les technologies sensibles : semi-conducteurs, cybersécurité, informatique quantique, biotechnologies, systèmes embarqués. Ici, la standardisation européenne et la commande publique stratégique sont des leviers déterminants.
Et sur le terrain ? La souveraineté ne se décrète pas depuis Bruxelles : elle se construit dans les usines, les bureaux d’études, les centres de formation et les réseaux d’innovation locaux. Partout en Europe, des territoires industriels expérimentent déjà des démarches de relocalisation technologique, de montée en gamme des compétences et de sécurisation des approvisionnements. Ce sont ces initiatives concrètes qui, connectées entre elles, formeront une souveraineté distribuée et résiliente.
C’est là que l’on retrouve des valeurs qui nous sont chères : coopération, pragmatisme, ancrage local. À KMØ, nous savons combien la souveraineté industrielle passe par des liens solides entre industriels, innovateurs et formateurs. C’est dans cette alliance, construite avec discernement et tournée vers l’avenir, que se trouve la clé pour restaurer une autonomie stratégique tout en restant ouverts sur le monde.
Publié hier à 7h51